Patrick Meuris est conducteur offset chez initialP. Avec son collègue Robert, il est aux commandes de la presse Komori Lithrone 4 couleurs, format 50×70, qui tient la place principale dans l’atelier. « Un métier de stress », dit-il, qui est aussi un métier de passion.
Il est l’un des derniers arrivés dans l’entreprise, bien qu’il ne soit pas l’un des plus jeunes : Patrick Meuris compte déjà 35 années de carrière en imprimerie. Une carrière qu’il a bien failli abandonner quand la crise du covid lui a fait perdre son emploi. Contraint au chômage à plus de 50 ans, il a d’abord songé à se reconvertir dans le jardinage, tandis que l’ONEM lui conseillait de se former aux technologies numériques… Et pourtant, le voici à nouveau aux commandes d’une presse !
Il est vrai que les conducteurs offset qualifiés sont une denrée rare. Comme dans d’autres secteurs industriels, quand un poste est vacant, les imprimeries peinent à recruter. Un profil comme le sien reste donc recherché.
« Quand j’ai reçu la proposition d’initialP, j’ai tout de même hésité », avoue-t-il. « Je n’étais pas sûr de vouloir encore imprimer. Mais je suis venu, l’entreprise m’a plu, j’ai bien aimé l’ambiance et le travail. Et je suis resté ! »
De l’encre dans les veines
C’est que Patrick a sans doute un peu d’encre dans le sang. L’imprimerie, il est pour ainsi dire né dedans. « Mes parents étaient concierges dans une imprimerie de Saint-Gilles, Vedeco, qui n’existe plus aujourd’hui. Mon papa était lui-même conducteur de presse, ma maman nettoyait les bureaux, et nous habitions sur place. J’ai toujours connu cette ambiance d’atelier. »
L’imprimerie n’était cependant pas la première vocation de Patrick, qui se destinait plutôt à la comptabilité. Poussé à changer de parcours en raison de difficultés scolaires, il s’est tout naturellement tourné vers une formation graphique, à l’Institut des Arts & Métiers.
« À peine sorti de l’école, j’ai trouvé du travail chez Weissenbruch, à Anderlecht (une imprimerie de longue tradition, fermée en 2005, ndlr). Le chef d’atelier a commencé par me faire empiler 14.000 feuilles de papier 70 grammes, format 56×86 cm – le double du format sur lequel on travaillait à l’école. J’ai galéré une heure. Il m’a dit : ‘Tu vois, ton diplôme ne te sert à rien, tu dois encore tout apprendre’ ! À l’époque, c’est comme ça que ça se passait. Et de fait, il m’a tout appris : les couleurs d’appoint, etc. Petit à petit, je suis passé sur de plus grosses machines, deux couleurs, quatre couleurs, jusqu’à devenir moi-même chef d’atelier. »
Patrick restera 18 ans au service de Weissenbruch, jusqu’à la fermeture de l’entreprise. Ensuite, il deviendra brièvement instructeur pour le distributeur belge des presses Heidelberg. « Mais ça ne m’a pas plu », dit-il. « Monter les machines, former les gens, ce n’était pas pour moi. » Il passera encore par d’autres employeurs avant d’aboutir, au printemps 2024, chez initialP.
Imprimer, c’est aussi vendre
« Ce que j’aime ici, c’est la recherche de qualité. On imprime des produits culturels, beaucoup de bandes dessinées, qui sont des travaux exigeants – c’était déjà ce qui me plaisait chez Weissenbruch, où on imprimait notamment des livres d’art. Moi-même, je suis un grand amateur de BD, je les collectionne – j’en ai plus de 4.000, dont certaines ont été imprimées ici. Ce sont des produits que j’apprécie. »
Ce qu’apprécie également Patrick, c’est l’échange avec les clients, parfois même les auteurs, quand ils viennent assister au tirage. « Quand un client vient en machine, c’est un peu comme si je lui vendais mes imprimés », explique-t-il. « Il y a des conducteurs qui n’aiment pas cela ; ils ont l’impression qu’on vient surveiller leur travail, qu’on les juge. Pour moi, c’est un manque de confiance. Quand on est sûr de soi, au contraire, c’est enrichissant de discuter, par exemple, avec un photographe qui connaît ses images, qui sait où il voudrait un peu plus de rouge… »

« Chaque presse a sa personnalité »
Quelles sont les qualités d’un bon imprimeur ? « Il faut supporter le stress. On travaille sous la pression des délais, mais il peut y avoir des imprévus, des soucis techniques à régler. En même temps, on travaille avec de beaux papiers, parfois coûteux, sur des machines qui tournent jusqu’à 15.000 feuilles à l’heure ; à la moindre variation, on risque de gâcher du papier. Il faut aller vite tout en gaspillant le moins possible. »
« Et puis il faut l’œil, bien sûr. Il faut être attentif aux moindres détails, aux couleurs, à chaque millimètre… Je pense qu’il faut être un peu maniaque : on travaille avec de l’encre, des huiles, mais pour imprimer, on doit avoir les mains propres ; il faut aussi que la machine soit propre et qu’elle soit bien réglée. Il faut être méticuleux. Enfin, il faut bien connaître sa machine. Chacune a ses particularités, son petit caractère. Même sur deux presses identiques, il y aura toujours de petites différences qui leur donnent à chacune leur personnalité. Il faut savoir comment les prendre. »